A Rodez, les guerisseurs paraissent des soignants comme des autres

Simone reste «coupeuse de feu». Le don n’a rien de rationnel, mais un service de l’hopital de Rodez y croit et fait aussi appel a elle pour soulager Divers patients.

Simonde Guy, guerisseuse, et une des patientes. (Philippe Grollier / L’Obs)

Elle devoile qu’elle «fait le secret». Une priere, un signe de croix et le mal s’en va. Depuis quarante annees, Simone Guy, 77 ans, a Rodez et en villages aveyronnais des alentours, «coupe le feu». N’imaginez gui?re une grand-mere recluse, plongee dans ses grimoires : Simone, pimpante dame aux yeux rieurs, reste une guerisseuse d’aujourd’hui, joignable par portable, jonglant desfois avec cinq patients a Notre fois pour un mechant coup de vue, un eczema, un zona ou des demangeaisons de varicelle.

Que dit-elle pour soigner ? A qui ? Elle sourit, te prend 1 air malicieux, mais ne pipe mot. «Je ne peux gui?re. Sinon, le secret disparaitrait.» Autres regles a respecter, sous peine de laisser filer votre don qu’une s?ur de son mari lui a un jour communique : «Ne le transmettre qu’a des individus plus jeunes, et ne jamais accepter d’argent.» Et, pour des malades :

Christine Bicrel, une geometre de 57 annees frappee avec un cancer du sein, a fera appel a Simone Guy pour apaiser nos brulures causees par la radiotherapie. Christine, douce et elegante, n’a rien d’une illuminee. Elle crois franchement qu’»on a tous de l’energie au corps qu’il va falloir aider a Realiser circuler».

Christine, 57 annees, a fait appel a une guerisseuse pour soulager les blessures une radiotherapie. (Philippe Grollier / l’Obs)

Des listes de guerisseurs

Tout s’est passe tres seulement, sans incantations spectaculaires. La guerisseuse n’a decouvert Christine qu’une seule fois, au debut. Ensuite, elle lui a «fait le secret» a distance, en suivant le planning des seances de rayons. Christine explique :

Grace a elle, je n’ai jamais eu mal. Elle a aussi ete un soutien moral.»

Au centre hospitalier de Rodez ou Christine est suivie, de telles confortables ne font bondir personne. Simone est tel chez elle dans le petit etablissement de 439 lits depuis lequel on distingue l’imposante cathedrale gothique du centre-ville. Elle y a passe toute sa carriere d’aide-soignante. Deja, a l’epoque, des patients lui demandaient d’intervenir Afin de des brulures. Et aujourd’hui nos secretaires et les infirmieres du service de radiotherapie glissent sans sourciller aux malades qui le souhaitent ses coordonnees, ou celles de la dizaine de guerisseurs exercant dans le coin qui figurent dans un liste.

Le chef de service en personne, le Dr Alain Blasee, cancerologue ici depuis trente-cinq ans, reste aussi le premier a lacher le commentaire «guerisseur» au cours de l’ensemble de ses consultations.

Cela libere la parole. Mes patients sentent que je n’y suis gui?re oppose. Forcement, ils se disent : ‘celui-la, on peut lui parler’.»

En consultation, le docteur reste le premier a amener guerisseurs. (Philippe Grollier / l’Obs)

«En tout cas, ca roule»

Naturellement, il n’est jamais question pour le medecin de deroger au lourd protocole de reference : chirurgie, chimio, radiotherapie. Et au moment oi? une patiente bronymate site de rencontre, c’etait depuis quatre mois, lui a dit qu’elle comptait combattre sa tumeur a coups de poudre de corne de b?uf et de sang d’ane, il s’y est immediatement oppose. «Je n’attends des guerisseurs qu’un benefice sur la qualite de vie», precise Alain Blasee.

Pour tenir a distance l’angoisse qui etreint les malades, le Dr Blasee enumere aussi les bienfaits du sport, de l’art-therapie… Il a accroche i  propos des murs jaune vif de le service les aquarelles champetres peintes par ses patients. Des poissons virevoltent dans l’aquarium d’la salle ou les malades attendent un rendez-vous, agrippes a leurs resultats d’analyse.

Un exemple a defaut d’une preuve ? Cela raconte :

Un homme devait subir de la radiotherapie pendant sept semaines Afin de soigner son cancer de la gorge. A cet endroit, c’est tres douloureux. Au bout de cinq semaines, il avait vraiment en gali?re, car nos effets des radiations se cumulent avec le temps. Il s’est choisi a voir un coupeur de feu. Notre douleur s’est arretee d’un coup. Pendant les deux dernieres semaines de traitement, qui auraient du etre les pires, il a meme pu stopper la morphine.»

Alain Marre admet que les pouvoirs des guerisseurs ne semblent «ni scientifiques ni rationnels», mais il reconnait leur efficacite. (Philippe Grollier / l’Obs)

En terrain conquis

Nombre de l’ensemble de ses confreres oncologues haussent nos epaules devant ces supposes miracles. Avec ses patients, en revanche, il est en terrain conquis. Rares sont les Ruthenois qui doutent de ces pouvoirs. Mes noms et telephones des guerisseurs parcourent des campagnes. «Quatre-vingt-dix Afin de cent de les patients en ont deja contacte un avant de me voir», affirme le Dr Blasee.

Ils sont presents, en filigrane, a chaque etape en maladie. Souvent, aussi, les gens en consultent diverses. C’est l’eventualite de Christine, qui avant de connaitre Simone, la coupeuse de feu, s’est fera aider d’un guerisseur. «les meufs l’ont appele i  mon sens juste avant qu’on me retire le coeur gauche, raconte-t-elle. Je ne l’ai pas eu, je ne sais nullement exactement ce qu’il a fera. Neanmoins, ensuite, la chirurgie s’est beaucoup passee. Je n’etais pas stressee et je n’ai jamais eu en gali?re au reveil.» Elle poursuit :

Consultation par SMS

Pour Paula, 40 ans, qui a elle aussi votre cancer du sein, c’est le premier jour au centre hospitalier de Rodez, ou elle suivra sa radiotherapie. Le Dr Blasee n’a jamais eu besoin de lui parler des coupeurs de feu. Le mari en a deja appele votre. Paula ne le rencontrera vraisemblablement jamais : leur seule interaction va i?tre le SMS qu’elle lui enverra avant d’etre bombardee de rayons. Avant i§a, elle a vu une magnetiseuse tout le long de sa propre chimio.

Elle m’a nombre aidee. Au depart, les produits injectes me brulaient, mais apres, c’est passe. Je croyais que j’allais etre abattue avec le traitement, en fera jamais vraiment ! Je ris meme de la maladie avec les bambins.»